Je ne pensais pas prendre part à ce phénomène que les media qualifie de « libération de la parole des femmes » mais en voyant l’ampleur de celui-ci, je ne pouvais que me sentir concernée. En effet, comme bien d’autres femmes, j’ai été harcelée et agressée sexuellement à l’age de 13-14 ans par un camarade de classe. Je me rends compte aujourd’hui que je ne suis pas seule et cela est à la fois super triste et réconfortant personnellement. Par solidarité envers toutes ces femmes qui ont le courage de prendre la parole et de parler de leur agression, je souhaite me joindre à elles. Je peux confirmer la difficulté que cela représente d’oser parler de ce type de traumatisme. Malheureusement, on est souvent livrée à soi-même car on trouve rarement une oreille attentive. Des séances avec un psy peuvent soulager et aider à dépasser le traumatisme. Je pensais alors qu’en parler publiquement n’avait aucun intérêt car c’est un sujet très personnel. Mais en réalité, non, car le rôle de la société dans chaque agression est primordiale et nous affecte tout autant.

En effet, j’ai personnellement ressenti de la colère contre notre société pendant des années:

• de la colère face au système judiciaire où aucune aide et aucune information ne m’avait été donnée et qui n’a jamais pris la peine de m’envoyer la conclusion de mon passage devant le juge d’instruction…
• de la colère face à la police qui n’a fait qu’aggraver le sentiment que tout était de ma faute. Je me souviens avoir pensé lorsque le policier m’a demandé comment j’étais habillée: « Ouf j’étais en basket, jeans et col roulé« !! Sentiment de soulagement qui m’avait choqué à l’époque et me choque encore aujourd’hui car peu importe ma tenue…
• de la colère envers l’Education car ces sujets ne sont jamais abordés, que ce soit à l’école ou au sein de la famille.
• de la colère envers la société en général (la mentalité et les préjugés). Dans mon cas, tout a été fait pour excuser le geste: « c’était une blague entre copains, il était amoureux et ne savait pas comment exprimer ses sentiments, il était jaloux, il n’a pas eu de repères maternels ou encore tu n’as pas été assez sympas avec lui – tu as dû le blesser« !!!

Tout a été fait pour que pendant 10 ans de ma vie, je ressente de la colère envers moi-meme car j’ai subit cette agression par ma faute, je suis fautive… et mon corps en est la cause suprême: quand mon agresseur s’excuse et m’explique qu’il me harcèle « parce que tu as un beau corps » avant de m’agresser… Tout a donc été fait pour éteindre et taire ma parole, tout en minimisant l’acte. J’ai compris que je devais me débrouiller seule. La seule solution pour moi a été de me taire et j’avais même cette sensation de « perdre la parole » comme ci je devenais muette…

10 ans après, mon esprit est prêt à « libérer sa parole » et à prendre soin de moi pour enfin comprendre que je ne suis pas la fautive (grâce à quelques séances avec un psychanalyste).

Lorsque je ressentais de la colère face à notre société, la seule chose que je voulais faire était de partir loin (un peu en mode Into the wild). Je me sentais tellement déconnectée. Puis, j’ai compris que la seule solution si l’on veut améliorer et changer la société c’est d’abord:

• d’accepter la société telle qu’elle est et d’accepter que seul on ne peut pas changer toute la société
• de comprendre que le changement passe d’abord par « se changer soi même »

« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » Gandhi

• d’apprendre à s’entourer des personnes qui nous apportent de l’énergie positive via des pensées positives et optimistes et s’éloigner de ceux qui nous apportent de l’énergie négative (pensées negatives et pessimistes)
• de comprendre que l’on peut agir au quotidien par des gestes simples et positifs
• et enfin ne pas juger l’autre car on a tous notre propre histoire personnelle

J’espère que toutes les voix qui s’élèvent en ce moment contribueront à faire évoluer nos mentalités 🙂

Peace in mind @Jericho, Oxford canal