
Les Moissons du futur de Marie-Monique Robin
Marie-Monique Robin, montre dans ce livre, écrit en 2012, l’échec de l’agriculture industrielle à nourrir le monde et démontre que d’autres modèles agricoles peuvent, au contraire, nourrir le monde.
« On a considéré l’agriculture comme si elle était une fabrique. On l’a considéré comme une entreprise et fait très attention pour qu’elle rapporte gros. Mais le but de l’agriculture se différencie beaucoup de celui de l’usine. Elle doit fournir de la nourriture pour que l’humanité puisse prospérer et continuer » Albert Howard, père de l’agriculture biologique
L’agriculture joue un rôle importante dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui sont le Dioxyde de carbone, le Méthane et le Protoxyde d’azote.
- 33 % des émissions de GES sont totalisées par l’agriculture dont 14% pour l’agriculture industriel et 19% pour la déforestation.
- 25,9 % des émissions sont totalisées par l’approvisionnement énergétique
- 19,4 % des émissions sont totalisées par l’industrie
Ces GES sont naturellement présents dans l’atmosphère, ce qui permet de conserver une température terrestre moyenne de 15°c. Or, ces gaz augmentent fortement par l’utilisation des combustibles fossiles (pétrole et gaz), par l’usage intensif d’intrants chimiques, la décomposition de la matière organique du sol par les micro-organismes et l’élevage intensif de bétail. Au Canada, par exemple, 15 % à 20 % des émissions d’azote provenant des activités agricoles sont dues à l’utilisation d’engrais de synthèse.
Marie-Monique Robin commence par évoquer l’importance des arbres et de l’agroforesterie car un arbre produit 15 à 30 kg d’oxygène par an et l’Homme consomme 700 gr d’oxygène par jour soit 255 kg/an. Donc, il faut une 10e d’arbres pour oxygéner un Homme. Par ailleurs, les arbres sont des champions pour séquestrer le dioxyde de carbone.
L’Institut Rodale, 1re centre de recherche et de formation en agriculture biologique a mené une étude de recherche sur les cultures conventionnelles et biologiques durant 30 ans, intitulée Farming Systems Trial. Les résultats sont une diminution de 45 % de la consommation d’énergie, une diminution de 40 % des émissions de GES, un revenu net dégagé par parcelle de 558$ par acre (0,4 hectare) et par an et enfin un rendement similaire voire supérieur.
Dans son ouvrage, Marie-Monique Robin met en lumière différentes techniques d’agroécologie comme le « push-pull » qui utilise des légumineuses pour capter l’azote ou encore l’utilisation de bouse de corne pour nourrir le sol ou le Milpa à Cuba.
L’auteur met également en lumière les conséquences de l’utilisation de semences hybrides comme le maïs. Ce dernier est stérile dès la 2e génération, il est donc nécessaire de racheter de nouvelles semences tous les ans et les rendements ne sont obtenus qu’avec l’utilisation d’engrais, d’herbicides et d’insecticides chimiques. Par ailleurs, certains ravageurs et mauvaises herbes deviennent résistantes aux poisons ! Or, le maïs hybride ne peut se défendre contrairement aux autres plantes qui utilisent des réactions chimiques et leur communication entre elles pour se défendre.
Hans Herren, Président de l’Institut du millénaire de Washington propose de changer de paradigme agricole car le modèle agricole actuel est basé sur la révolution verte dont les seuls bénéficiaires sont les entreprises de la transformation agroalimentaire et celles qui vendent des intrants chimiques. Il faut donc privilégier la petite agriculture familiale, bannir les intrants énergétiques non produits sur la ferme et créer de nouveaux emplois de qualité dans l’agriculture. Les paysans doivent être mieux reconnus socialement et doivent pouvoir contrôler tout le processus de production des semences aux intrants. Il est important de changer de politique agricole et de récompenser les bons comportements.
« Maintenant nous savons que l’agriculture dite « moderne » engendre une dépendance vis-à-vis des ressources naturelles limitées. C’est elle qui va nous ramener vers le Moyen-Âge ! Ce dont nous avons besoin, au contraire, c’est d’une agriculture biologique ou agroécologique fondée sur la recherche et qui nous permettra de nourrir le monde, ce que n’a pas pu faire l’agriculture industrielle. » Hans Herren
« Nous produisons aujourd’hui 2 fois plus de nourriture que nos besoins. Nous pourrions nourrir 14 milliards de personnes, mais la nourriture est si peu chère que nous la jetons ; dans les pays occidentaux, 30 % des aliments achetés finissent à la poubelle. C’est le résultat de cette agriculture qui produit de la nourriture de qualité médiocre, laquelle ruine notre santé, ce qui coûte cher à la société. Il est temps de changer » Hans Herren
Il est important aussi de prendre en compte les coûts indirects, les externalités négatives de l’agriculture conventionnelle à savoir les coûts indirects induits par le mode de production : coûts de la pollution de l’eau, de l’air, des dépenses énergétiques, des maladies dues aux pesticides… Au final, le coût des produits conventionnels est supérieur à celui des produits issus de l’agriculture biologique.
« Moins de 0,1 % des pesticides appliqués pour le contrôle des nuisibles atteignent leur cible. Plus de 99,9 % des pesticides utilisés migrent dans l’environnement, où ils affectent la santé publique et les biotopes bénéfiques en contaminant les sols, l’eau et l’atmosphère de l’écosystème. » David Pimentel, entomologiste de l’Université Cornell
De nouvelles techniques d’agroécologie sont mises en place dans les pays du Sud. Selon une étude de 296 expériences agroécologiques dans 57 pays du Sud, réalisée par Jules Pretty, chercheur à l’université d’Essex, les techniques de l’agriculture durable ont permis une augmentation moyenne des rendements de 79 %.
Ce livre dénonce aussi le pouvoir des multinationales dans l’ordre alimentaire qui profitent des traités de libre-échange comme le montre le traité de l’ALENA qui a détruit les paysans au profit de l’industrie Américaine. La spéculation sur les aliments y est aussi dénoncée.
« Quelle est cette civilisation qui n’a rien trouvé de mieux que le jeu – l’anticipation spéculative – pour fixer le prix du pain des Hommes et de leur bol de riz » Philippe Chalmin, Le Monde à faim
Oliver de Shutter, délégué Onusien, évoque les obstacles à la transition vers une agriculture biologique :
- Obstacle mental (être contre tout ce qui ne ressemble pas à la modernisation)
- Obstacle culturel (l’agroécologie est considéré comme un retour en arrière)
- Intérêts économiques des industries
- La subordination de l’agriculture aux règles du commerce international
Eric Holt-Gimenez, « Stratégies pour transformer le système alimentaire » évoque l’importance du rôle de la Politique qui doit enrayer le monopole des grandes multinationales qui contrôlent l’ordre alimentaire, empêcher Wall Street et les bourses financières de spéculer avec les aliments, faire des réserves de graines placées sous le contrôle de la communauté internationale, autoriser les pays à protéger leurs paysans en sortant l’agriculture de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), supprimer les subventions agricoles et enfin promouvoir l’agroécologie pour stopper la dépendance aux énergies fossiles. Les aliments ne sont pas une marchandises comme les autres !
« Il faut renforcer l’intégration des paysans dans la chaîne alimentaire, en leur fournissant des outils, surtout aux plus pauvres, en les protégeant contre les abus des firmes agroalimentaires. Il faut aller d’une agriculture intensive en intrants vers une agriculture intensive en connaissances. Et cela passe par le développement de pratiques agroécologiques et la réduction de la dépendance de la production alimentaire par rapport aux énergies fossiles. Enfin, il faut passer de politiques qui combattent la faim et aident ceux qui sont en difficulté à des politiques qui obligent les gouvernements à rendre des comptes car, avec le droit à l’alimentation, on passe de la charité aux obligations légales. » Olivier de Shutter
Pour plus de détails, je vous conseille de lire le livre et/ou de visionner le film « Les Moissons du futur » de Marie-Monique Robin 🙂
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